dimanche 6 janvier 2013

Séance de rattrapage : L'affaire est dans le sac

Première séance de rattrapage, cette rubrique nous permettra de nous pencher sur des œuvres passées de façon plus ou moins lointaine et qui méritent (ou pas, ça dépendra) qu'on y revienne histoire de faire vibrer la fibre nostalgique des lecteurs (j'aime croire que j'en ai quelques uns) ou de déterrer quelque trésor passé jusqu'alors inaperçu aux yeux du grand public. Et s'il existe un genre qui répond bien à cette dernière caractéristique, c'est celui de l'horreur. Ben oui, parce que ce n'est certainement pas à la télévision dite gratuite qu'on pourra se délecter d'un bon film de type horrifique, surveillée qu'elle est par les messieurs propres de la culture de masse. "Pas de film d'horreur à la téloche" clament en chœur les rois de la pensée uniformisée ! Trop traumatisant ! Trop déviant ! Trop décadent ! Vade retro satanas ! En revanche, tout ce beau monde trouvera normal de diffuser à une heure de grande écoute un reportage sur un G.I. dont la jambe est arrachée lors d'une mission en Irak ou Kadhafi en train de crever en boucle. En bref : la véritable horreur, d'accord ! Mais surtout pas de fiction ! Mais bon, passons. Évitons de nous énerver sur une télé qui mérite à peine qu'on en parle pour retourner à notre sujet.

Bien avant la série Masters of horror où les réalisateurs engagés sur le projet avaient carte blanche pour rendre le petit écran plus rouge, la chaîne câblée Showtime au début des années 90 désirait créer une anthologie d'horreur à la façon des Contes de la Crypte, elle-même inspirée des fameux E.C. Comics.

Le résultat fut Body Bags, dirigé par l'un des maîtres du genre, j'ai nommé le grand John Carpenter. Le film sort en 1993 et la filiation avec les Contes de la Crypte est on ne peut plus évidente. Le métrage se découpe en 3 parties reliées entre elle par un John Carpenter cadavérique qui depuis une morgue introduit chaque histoire en nous présentant l'un de ces fameux sacs à cadavres à la façon du gardien de la crypte. Gore et humour noir abondent dans ces présentations. Mais quid des différents segments de ce film à sketches ?

Le premier intitulé The gas station nous présente une étudiante qui prend un job de nuit dans une station service qui pourra lui permettre de réviser au calme alors qu'un tueur en série sévit dans la région. Déroulement et situation relativement classiques (une femme seule dans un endroit isolé, les recommandations faites par son prédécesseur oubliées pour son plus grand malheur ainsi qu'un défilé de visiteurs nocturnes tous plus ou moins étranges qui nous font nous demander quand le tueur apparaîtra) mais efficace, qui ménage quelques moments de tension (le cadavre dans le placard qui fait toujours sursauter, l'affrontement avec le tueur) sans oublier un brin d'humour que John Carpenter, qui réalise le premier acte, utilise avec justesse.

Le second segment, Hair, également réalisé par Carpenter, joue ouvertement la carte de l'humour en introduisant Richard Coberts (Stacy Keach), un homme obsédé par sa calvitie galopante et prêt à tout pour enrayer le processus jusqu'au jour où il tombe sur la publicité du Docteur Lock qui promet le retour d'une chevelure abondante. Prêt à tout pour retrouver de longs attributs capillaires,  Richard décide de franchir le pas. Lorsqu'arrive le moment d'ôter ses bandages, c'est un autre homme que Richard Coberts découvre. Un récit qui titillera forcément les hommes préoccupés par la chute de leurs cheveux (pour ma part j'ai résolu ce problème depuis longtemps et n'ai donc frissonné que rétrospectivement).

Enfin, l'histoire qui conclut cette anthologie et intitulée Eye, est réalisée par Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse) et nous narre les déboires de Brent Matthews (Mark Hamill, impeccable !) joueur de base-ball à succès qui perd son œil droit lors d'un accident de voiture. Désespéré, il accepte la proposition d'une greffe expérimentale de l’œil d'un homme récemment décédé. L'opération réussit à la grande joie de Brent jusqu'au jour où celui-ci commence à voir des choses étranges.

Au final, cette petite anthologie destinée à devenir une série télévisée mais qui ne verra finalement jamais le jour (trop en avance peut-être pour la télévision), tient plutôt bien la route même si une vingtaine d'années est passée depuis et que les effets spéciaux ont évolué. Il est d'ailleurs plutôt réjouissant de profiter d'un film d'horreur sans insert ni trucage numérique propre à notre époque et qui tend à aseptiser les débordements les plus gores. Cette production bénéficie par ailleurs d'un casting solide (Robert Carradine, Stacy Keach, Mark Hamill) en plus de cameos qui devraient réjouir les fans du genre car on y aperçoit aussi bien Wes Craven, Sam Raimi, David Naughton ou encore l'incontournable Roger Corman.

Je vous invite donc à pénétrer en cette morgue car l'occupant des lieux a quelques histoires bien saignantes à vous narrer. Et si vous souhaitez acquérir cette vidéo, sachez qu'elle est encore facilement trouvable sur les sites de ventes en ligne à des prix raisonnables.

A savoir, et à titre de curiosité, que le DVD est également trouvable sous le titre Aberration qui résume à lui-seul la qualité de l'édition. Une jaquette pompée sur l'originale et qui s'avère hors sujet et qui laisse supposer qu'il s'agit du dernier film (à l'époque) de Tobe Hooper d'après John Carpenter (mais d'après quoi ? Ses films, ses scenarii, sa liste de courses ?). Du grand n'importe quoi, donc. Quant à l'arrière de la jaquette, il nous propose des photos d'un autre film sans aucun rapport avec Body Bags (il s'agit d'un film effectivement titré Aberration réalisé par Tim Boxell en 1997 et qui raconte l'histoire d'une femme aux prises avec des lézards mutants). Alors, travail d'un stagiaire qui se serait mélangé les crayons au moment de l'édition de la jaquette ou tentative d'escroquerie pour vendre plusieurs fois le même film sous des titres différents (méthode couramment utilisée dans les bacs à soldes des supermarchés, j'ai des preuves !), le mystère demeure ! En tout cas, méfiez-vous des contrefaçons !

Le Padre.