jeudi 11 août 2022

Original vs. Remake : Round 1

 

La dernière maison sur la gauche de Wes Craven (1972)

Tout d’abord, et ceci est valable pour nombre de films du genre que je n’ai pas pu voir à l’époque de leur sortie, il faut essayer de se replacer dans le contexte pour tenter de comprendre l’impact que l’œuvre a pu provoquer. Car sans vouloir jouer les gars blasés, on peut se demander comment une interdiction en Angleterre a pu courir jusqu’en 2002 pour ce film (syndrome Mad Max ou Massacre à la tronçonneuse en France mais avec effet durable). Que le film ait choqué à l’époque, je peux le comprendre car je pense que si je l’avais vu plus jeune, j’aurais ressenti un certain malaise tant les meurtres sont d’une gratuité totale perpétré par un trio de tarés en toute décontraction. L’impression que j’ai ressentie au visionnage de l'oeuvre est de me retrouver un tantinet le cul entre deux chaises, un peu comme le traitement du film d’ailleurs. En effet, on oscille souvent entre horreur et comédie ce qui atténue pas mal le propos. D’une scène de massacre dans les bois on passe aux péripéties d’un shérif et son adjoint tout droit sortis d’un épisode de « Shérif fais-moi peur ! ». 

Portrait à charge contre les forces de l’ordre en pleine période hippie ou plage de comédie pour souffler un peu entre les tortures, je me pose la question car je trouve que la balance se faisait avec les scènes bucoliques insérées de-ci de-là (un torrent, des canards, du vent dans les arbres) ou la musique plutôt antagoniste au propos du film (une petite balade folk pendant une traque d’une des victimes) et qu’une scène comme celle du camion à poulets nous sort complètement de l’ambiance. Là où je suis sceptique aussi, c’est l’enchaînement des évènements et les raccourcis un peu faciles.

Les parents, inquiets pour leur fille qui n’est pas rentrée de sa soirée, invitent sans se poser de question quatre parfaits étrangers à passer la nuit chez eux en proposant même la chambre de leur fille (!). Par la suite, l’émotion à la découverte du cadavre de leur fille par ses parents est totalement absente et rendue par cet unique dialogue - La mère : « On ne peut plus rien pour elle ? », Le père : « Non. » Pour la larmichette on repassera.

Quant à la suite des évènements, je trouve que la famille réagit avec une froideur et un calcul assez étonnant alors qu’on se serait plutôt attendu à une réaction plus violente et sans contrôle pour une situation aussi à chaud. On a l’impression que la vengeance s’exerce plus tard, après assimilation de la situation, alors que tout se passe en une nuit. La scène de baston entre Krug et le père m’a fait quelque peu sourire mais là personne n’y est pour rien, c’est juste que je trouvais que le père avait parfois une forte ressemblance avec Franck Dubosc.

 

Malgré toutes les réserves dont je vous fais part, je n’ai toutefois pas trouvé ce film mauvais et je comprends qu’en 1972 il a pu créer une polémique surtout, je pense, à cause d’un des points que je soulevais plus haut : les meurtres perpétrés dans la décontraction voire la jouissance la plus totale par une bande d’allumés sans excuses. Je pense que je jetterai un œil aux bonus pour comprendre mieux le phénomène. J’ai appris sur Wikipédia, en espérant que ce soit fiable, que La dernière maison sur la gauche était en fait un remake d'un film suédois, La Source, réalisé en 1960 par Ingmar Bergman. Etonnant, non ?


La dernière maison sur la gauche de Dennis Iliadis (2009) :

Bon, je sens que je peux faire hurler quelques puristes qui ne jurent que par les films d’origine et crachent avec une constante régularité sur tout remake d’une œuvre culte, mais j’ai préféré la version 2009 de ce film que je trouve meilleure que celle d’origine réalisée par Wes Craven. Et donc, même si les remakes supérieurs au modèle (ou en tout cas qui ne manquent pas d’intérêt) ne sont pas forcément légion, La dernière maison sur la gauche en fait indéniablement partie à l’instar de films comme The Thing, La mouche ou L’invasion des profanateurs qui eut droit à 2 très bons remakes.

Tout d’abord, mettons de côté l’aspect un peu daté du film de Craven qui n’entrera pas en compte dans les différences de qualité des deux films car il faut pouvoir replacer les choses dans leur contexte et ne pas biaiser ainsi les comparaisons. Personnellement, je connais quelques personnes pour lesquelles tout film tourné avant les années 2000 est un vieux film et ne veulent même pas en entendre parler. Leur perception de l’œuvre se bornerait sans doute à une critique des coupes de cheveux ou des papiers peints de l’époque, passant à n’en point douter à côté du propos principal. Je ne me classe bien évidemment pas dans cette catégorie, moi qui prend toujours autant de plaisir à regarder le King Kong de Schoedsack & Cooper, et j'espère que vous ne faites pas partie non plus des personnes qui pensent que le film est une antiquité si le héros ne possède pas le dernier Smartphone. D’où l’existence de cette rubrique. Mais je m’égare un peu avec mes considérations temporelles. Revenons à nos moutons.

Oublions donc les 37 ans d’écart entre les 2 films et penchons-nous sur ce qui fait de ce remake un meilleur film que le moule original, sans pour autant bien sûr jouer au jeu des 7 différences. Le point le plus important qui différencie les deux films est je pense le temps. Là où celui de Craven va beaucoup trop vite dans l’enchaînement des situations ou les réactions des personnages, celui de Dennis Iliadis prend son temps pour nous présenter tout son petit monde et assurer une acceptation du déroulement des évènements qui va nous rapprocher au plus près de la famille et de l’horreur de la situation.

Trop d’ellipses handicapaient le film de Craven. A peine les filles rencontraient-elles leurs futurs assassins que ceux-ci avaient déjà décidé de leur sort (à peine entrées dans l’appart des tueurs que la porte est bouclée) ou les parents s’empressaient également un peu trop vite à inviter la bande de cinglés chez eux pour passer la nuit. On ne s’attardait pas non plus sur la peine des parents lors de la découverte de la vérité et on entrait tout de suite dans le cadre d’une vengeance un peu mollassonne qui culminait dans un combat final digne d’une dispute en maison de retraite. J’ai l’air de me moquer mais loin de moi l’idée de descendre le film de Craven qui par bien des aspects demeure traumatisant. Dans le remake, on prend un peu plus son temps. Déjà pour présenter les personnages. Evasion violente du méchant par des complices aussi déjantés que lui d’un côté et présentation en détail des membres de la famille Collinwood qui nous fait nous en sentir plus proche alors qu’ils s’installent dans leur résidence secondaire.

L’histoire suit la même trame que l’original (Mari et son ami Paige tombent sur Krug et ses acolytes) à la différence notable que l’une des filles survit et parvient à rejoindre la maison de ses parents. On aurait pu penser que cette survie tenait du politiquement correct inhérent à certains remakes plus lisses mais il n’en est rien. La survie de Mari est un vrai ressort scénaristique qui appuiera la logique de l’enchaînement des situations. Le fils de Krug a droit également à un traitement différent de celui de la version Craven. Du gars un peu simplet voire demeuré on passe à un ado un peu paumé mais sympa finalement obligé de suivre son tueur de père. Son sort différera également et cette fois on peut penser que le scénariste a arrondi les angles pour ne peut pas non plus aller au bout de l’horreur. Concession pour un presque happy end ? Peut-être mais nous sommes quand même loin d’une fin hollywoodienne.

 

En tout cas, et comme son prédécesseur, le film n’est pas tout public et les plus sensibles feraient mieux de passer leur chemin car la violence, quand elle surgit, est très graphique. Coup de marteau dans une boîte crânienne, doigts passés au broyeur ou tête au micro-ondes, rien ne nous est épargné dans l’escalade de la violence. Au final, un vrai bon film au carrefour de plusieurs genres (rape & revenge, home invasion et vigilante movie) pour lequel Wes Craven (également producteur du film) reconnaît qu’il est meilleur que l’original dans une mini interview présente dans les bonus quasi inexistants (un vrai scandale !) du blu-ray.

Le Padre

 


mercredi 10 août 2022

Remake, reboot, suites et préquelles : La fin des idées originales ? : Episode 1

 

Halloween de David Gordon Green (2018)

Point positif pour démarrer : John Carpenter et Jamie Lee Curtis sont de la partie. Le premier à la musique et à la prod. La seconde dans le rôle de Laurie Strode. Autre point dont je vous laisse juge : il s’agit d’une production Blumhouse.

Pitch de départ : Faisant fi de toutes les suites ou remakes d’Halloween, cette dernière version est la suite directe du film de Carpenter de 1978. 

Laurie Strode a survécu au massacre et Michael Myers est enfermé depuis 40 ans dans un hôpital psychiatrique où un médecin étudie son cas de près. Des podcasteurs qui réalisent un reportage sur le tueur au masque se rendent dans un premier temps à l’asile puis chez Laurie Strode pour l’interviewer mais cette dernière qui vit dans la paranoia dans une maison en mode survivaliste les dégage vite fait bien fait. Alors que la date d’Halloween approche, Myers est sur le point d’être transféré. On devine la suite.

Bon, alors, quid de ce reboot / suite ? Mi-figue mi-raisin. Aucun ennui éprouvé mais une bonne grosse flippe absente. La mise en scène n’est pas vraiment en cause car il y a parfois de bonnes idées (la cour de l’asile en forme de damier géant, la musique de Carpenter qui nous met dans l’ambiance et qui nous titille la fibre nostalgique) mais c'est plutôt du côté scénario que ça pêche un peu. 

L’histoire ne s’encombre pas trop de détours puisque le but de Michael Myers est de retrouver Laurie Strode, point barre. Et du coup, ledit scénario oublie de développer certains aspects qui auraient mérité qu’on en sache un peu plus. Je ne vais pas développer ces points pour ne pas vous gâcher la surprise (laquelle cela dit ?) mais les trous scénaristiques sont nombreux comme comment se fait-ce que les journalistes soient en possession de Spoiler ? Pourquoi transfère-t-on Myers alors que ça fait 40 ans qu’il est dans la même crèmerie ? Pourquoi le psy se comporte comme il se comporte ? Pourquoi certains meurtres de Myers ? Pourquoi un flic qui semble être sur l’enquête disparait de l’histoire ? Pourquoi cette bouteille de lait ? 

 
Certaines idées sympas ne sont pas exploitées à fond comme Laurie en mode Sarah Connor (le parallèle est on ne peut plus flagrant) qui a éduqué sa fille comme une survivaliste si bien qu’on lui en a retiré la garde et qui essaie de protéger également sa petite-fille quitte à passer pour une foldingue. On peut penser aussi à Terminator quand on voit la force et la résistance de Myers, proprement surhumaines. 

Mais le pire demeure un Michael Myers pas vraiment effrayant, apparaissant même sur certains plans, un peu petit et pas très imposant. En tout cas c’est l’impression que cela m’a donné. Pour clore, un final qu’on aurait souhaité plus intense voire plus violent (là encore, ceux qui ont vu un film très gore devaient avoir des morceaux de steak dans les yeux ou n’ont jamais vu de films gores) et qui malgré une conclusion qui parait refermer la porte sur une saga à rallonge, ne fait que nous enfumer en nous préparant une suite (le film étant celui de la franchise ayant rapporté le plus). 

En ce qui me concerne, et bien qu’ils donnaient une lecture un peu différente en montrant le côté humain de Michael Myers, les films de Rob zombie sont de loin ceux que je trouve les plus dérangeants de la saga. Pas grand public du tout, plus âpres et franchement violents, ce sont les seuls films type slasher qui m’ont mis quelque peu mal à l’aise avec un croquemitaine qui mettait vraiment les jetons.

 

Le Padre